vendredi 27 octobre 2017

Parti pris du 27 octobre 2017

Mario Draghi (photo © Getty Images), Carles Puigdemont (photo © AP), Christophe Castaner (photo © WITT/SIPA).

Avec le renfort de la BCE, l’UE doit agir, vite et fort. En optant pour la poursuite d’une politique « accommodante » au moins jusqu’en septembre 2018, la BCE et Draghi donnent un sérieux coup de main à Bruxelles et aux gouvernements nationaux en matière d’entretien de la croissance. Les indicateurs sont bien orientés dans la plupart des régions européennes. Seul souci de taille, l’absence toujours criante de grands projets capables de transformer le retour à la « normale » en allure de croisière durable sur une période longue. Et là, tous n’ont pas des responsabilités égales. Celles de Berlin sont plus lourdes parce que l’Allemagne dégage de larges excédents dont la résorption ne peut être que facteur d’équilibre des échanges et puissant levier pour faire mieux partout. La coalition en voie de constitution autour de Merkel n’a encore rien indiqué à ce sujet si ce n’est qu’elle appliquera la règle du cru « zéro déficit » comme si Schaüble, parti présider le Bundestag, gardait la haute main sur les finances fédérales. Guère encourageant. Tous les autres ont a minima les moyens de remettre leur économie à flot et en ordre de bonne marche budgétaire. C’est selon les critères de la Commission ce que fait Paris. Mais là ou le bât blesse c’est qu’il ne s’agit au mieux que d’une « consolidation » pas d’une ouverture sur le futur, d’un plan d’investissement massif et commun, public-privé, pour changer la donne, généraliser les innovations, booster la recherche et le développement, assurer la réduction des inégalités sociales. Tout y invite et ils ne le font pas… pour l’instant du moins et au niveau le plus central. Ni en matière d’infrastructures, ni en matière de logements, ni en matière de transformation du travail et de la protection sociale en y introduisant davantage d’égalité, ni même en faveur de l’urgente transition énergétique. Problème pendant, la question de la dette qui doit être réglée au-delà de la mesure de réduction en faveur d’Athènes qui se fait toujours attendre. La mutualisation au moins partielle – au-delà du ratio de 60 % d’endettement par rapport au Pib – libérerait l’horizon pour de nouveaux investissements. Là encore l’affaire se joue en partie sur les bords de la Spree. Ce serait en outre assez exemplaire au plan planétaire où l’on s’inquiète de la croissance non-maîtrisée des dettes – notamment chinoises –, souveraines et privées, globalement « évaluées » à 192 mille milliards d’euros – plus de 300 % du Pib mondial. Affaire de volonté politique d’abord où les Européens ne peuvent pas faire moins – on peut l’espérer et l’on doit l’exiger – que le Prince héritier des Saoud, qu’un Trump en pleine confusion ou qu’un Abé réélu mais sans solution.

Assez du jeu « dangereux » des duettistes irresponsables. Madrid et Barcelone jouent les prolongations. Rajoy et Puigdemont se révèlent tels qu’ils sont, rivalisant dans la médiocrité des petits jeux politiciens quand Catalans, Espagnols, Européens s’impatientent de ne voir se dessiner aucune solution raisonnable à la crise. Le coût de ce bras de fer sur fond de mensonges est déjà très lourd et pour Barcelone et pour Madrid. Plus de 1 500 entreprises ont déménagé dans l’urgence leur siège social et cela se traduira par un coup de frein pour l’ensemble de l’économie. Sur le plan social, les hommes de droite qui sont à la manœuvre de part et d’autre se valent. Ils agitent la question nationale ou identitaire pour faire oublier le reste, de la corruption marque de fabrique du patron du parti populaire au refus qu’ils partagent d’une démocratie autre que formelle. S’y mêlent les agissements d’un « monarque » illégitime par définition et pur produit d’une « famille » elle aussi « corrompue jusqu’à l’os ». Alors, oui, le respect de l’autonomie catalane et des droits démocratiques en général n'est pas négociable. Par principe. Le recours à des élections générales en Catalogne et dans les autres provinces espagnoles s’impose. Puigdemont et les « indépendantistes » ne peuvent que s’y soumettre car de deux choses l’une. Soit ils seront battus et devront renoncer à un projet clairement minoritaire, soit ils seront majoritaires et d’autant plus forts pour négocier. L’Espagne n’a rien à gagner à s’enliser dans les crises identitaires, après celles du marasme économique et du chômage de masse, après celles de la paralysie institutionnelle et des élections à répétition et sans issue. Une des clés de la solution réside cependant dans la « lâcheté » de l’actuelle direction du PSOE qui croit se « sauver » du déclin en filant le train à Rajoy aux Cortes. D’autres projets, elle n’en a guère si ce n’est celui d’un appareil usé qui se survit et entend « rester devant Podemos » au plan national. C’est bien court et ne correspond nullement aux aspirations des militants socialistes plus en phase avec les préoccupations de la rue. Podemos de son côté ne sert pas à grand-chose dans la crise actuelle. Le rôle de personnalités associées, telle Ada Colau, la Maire de Barcelone, ne saurait le dissimuler. Les gauches évoluent dans ce contexte empoisonné sans qu’apparaisse pour l’heure à une échelle significative une solution alternative capable par-delà la situation immédiate de porter un processus constituant pour refonder un fédéralisme respectueux de l’auto-administration locale. Ce n’est pas une raison pour y renoncer d’autant que les « masques tombent » les uns après les autres.

Avec des « faux-semblants » en chaîne en France. Bien sûr, il y a les questions essentielles, l’adoption d’un budget déséquilibré, une outre-mer sur ses gardes faute de ne rien voir venir, une négociation incertaine pour la refonte de l’assurance chômage, de la formation professionnelle et de l’apprentissage… mais ce ne sont là que parties du puzzle au travers duquel un vieux pays se cherche à défaut de se trouver. La scène des partis politiques en donne la mesure. À droite, les rescapés des Républicains ne savent plus comment faire pour sauver les apparences. Même plus capables d’exclure « proprement » ceux qui ont quitté le navire à temps. Reste un futur patron très à droite et probablement représentatif de la base. Mais pour quel projet si ce n’est d’aller à la chasse électorale sur les « terres » bourbeuses des Le Pen. Eux et leurs proches doivent maintenant s’acquitter de leurs turpitudes auprès du fisc et des tribunaux. On y arrive enfin. Tricheurs, manipulateurs, voleurs, il va leur falloir se diriger vers la caisse en passant ou non par la case prison. À gauche, pitié pour ceux qui restent. Le PS vend le fonds de commerce et licencie à tout va s’inquiétant des manœuvres pour lui imposer un nouveau premier secrétaire, un individu censé jouer le rôle. Le « fossoyeur » s’agiterait en coulisse pour placer l’un des siens si l’on en croit de jeunes loups déjà prêts à en découdre avec leurs aînés. S’agiter à l’Assemblée sur quelques amendements, seraient-ils parfois bien sentis, ne suffira pas à refonder un parti exsangue. Mélenchon et les Insoumis font eux du bruit mais moins pour leur capacité à construire une opposition de gauche, résolue et unitaire, que pour leurs manquements à la responsabilité publique la plus élémentaire, des dérapages du chef sur la Lituanie aux petites affaires de logement. L’odieux argumentaire de Danielle Simonnet qui ne veut pas « participer à la spéculation » en se logeant à bas coûts dans le parc social parisien apporte un nouvel éclairage sur la nature de ce courant. Plus que floue car il n’y a pas qu’un loup, mais toute une meute. Tout cela, nous dit-on, c’est « le vieux » monde tandis que le « nouveau » s’épanouirait du côté d’En marche… Sans rire. Le jeu de chaises musicales avec Castaner après Ferrand, Bayrou et les autres parce que le « patron » l’a décidé souligne le caractère suranné de cette tentative de refonder une domination politique avec les apparences de la légitimité démocratique – on y vote même à main levée sur les personnes en cénacle restreint. La Ve République a de beaux restes et Macron les accommode à sa sauce. Sans compter quelque 700 bailleurs « sociaux » et plus de 500 « mutuelles », corps intermédiaires par excellence, qui se gavent sans compter. Pas sûr dans ces conditions que l’opinion soit dupe très longtemps. Raison de plus pour défendre, toujours et sans relâche, au-delà de choix politiques et budgétaires plus conformes à l’égalité et à l’intérêt général, une démocratie vivifiante qui suppose des règles de droit incontestables et une culture partagée dont ce pays est encore bien éloigné. 


LIRE ÉGALEMENT
Parti pris du 10 octobre
Macron hyperprésident
L'offensive idéologique En Marche




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire