mardi 31 octobre 2017

Debout ! C’est l’heure…

The Sleeping Beauty (La Belle au bois dormant) par le peintre britannique John Collier (1921).

Depuis plusieurs mois, la situation générale s’améliore « objectivement ». Les chiffres du retour à la croissance, son accélération, ne sont pas contestables. Ni au plan mondial, ni à celui de l’Europe, ni même en France. Ce retour à la situation d’avant la crise qui n’a pas encore comblé tous les retards ni réparé tous les dégâts s’effectue dans un contexte social et politique compliqué porteur de confusion et de désorientation. Le chômage de masse, spécialement au sud de l’Europe, perdure quand bien même le ressort principal en serait modifié, absence de travail disponible hier, inadéquation entre le marché et la formation nous dit-on aujourd’hui. Les chiffres parlent et ce n’est pas en faveur des politiques mises en œuvre sous le précédent quinquennat et depuis que le gouvernement Philippe a pris les commandes. Le CICE d’un montant de quelque 40 milliards a probablement eu un effet « significatif » sur l’emploi entre 2015 et 2016 mais qu’il est bien difficile de quantifier. L’OFCE et la plupart des instituts évoquent une fourchette… de 10 000 à 200 000 emplois créés. Un rapport coût produit qui accable ses promoteurs d’autant que ce « coup de pouce » éventuel, tous en sont d’accord, appartient au passé, étant en quelque sorte rentré dans les mœurs. L’actuelle équipe dirigeante le pérennise pourtant en le transformant en allégement permanent des cotisations sociales de l’entreprise. De quoi renforcer un « usage » du travail qui en le fragilisant le dévalorise socialement. L’intérim explose d’ailleurs dans tous les secteurs y compris parmi les cadres. La « nouvelle société » des Marcheurs « flexibilise » beaucoup et ne « sécurise » guère.

Il n’en va pas différemment de la formation et de la jeunesse. Si la couverture santé des étudiants par le régime général dès l’an prochain va dans le bon sens, les réformes de la formation, encore floues, sont beaucoup plus discutables. En leur principe d’abord, adapter la formation aux critères du marché c’est bien souvent faire fi des besoins de la société moins immédiats mais plus fondamentaux. La suppression du tirage au sort honni est certes nécessaire mais l’orientation précoce, dès le secondaire, pour éviter la saturation du système n’est qu’un pis-aller. Mieux vaudrait garantir le libre choix pour chacun en y mettant les moyens, en multipliant les passerelles et en ayant une vision sociale moins utilitaire de la formation initiale. Quant aux moyens, ceux de l’enseignement supérieur notamment, ils ne sont pas à la hauteur si on les compare en particulier aux coûts pour la société du soutien aux entreprises. Thomas Piketty les estime en contraction de l’ordre de 10 % en euros constants. Là encore, dans la continuité du quinquennat de Hollande.  Sans compter que le choix d’aborder la formation initiale et permanente en deux temps laisse présager la perpétuation d’une coupure dont on sait qu’elle est préjudiciable. Les Marcheurs et leur mentor sont davantage dans la continuité que dans l’innovation. Reste la « sélection » sociale – en marge de l’Université, classes préparatoires et grandes écoles – qui se trouve renforcée sans qu’elle soit justifiée du point de vue de la société dans son ensemble. La société des Marcheurs est bien celle des « héritiers ».  

Dans ce contexte, c’est se payer de mots que considérer, comme Mélenchon, que « Macron marque le point » à propos du travail, comme si ce n’était que cela,  les « points » d’une partie politicienne à rejouer. La prise de conscience du « Caudillo » de la France insoumise, est un peu courte. Il ne fallait pas rejouer le match ou alors tout autrement en sachant que l’essentiel avait été perdu dans la phase de lutte contre la loi El Khomri. Il ne fallait pas se départir non plus d’un jugement équilibré capable de distinguer sur chaque sujet ce qui était « objectivement » inévitable et même parfois souhaitable et ce qui devait être fermement combattu. L’opposition aussi fourre-tout qu’inconséquente, déclinée en journées d’action incantatoires masquant mal les divisions et les confusions a déjà coûté cher aux salariés et à la gauche. La journée du 16 novembre risque de le confirmer dans un jeu de faux-semblants qui laisse un goût amer après coup. Il y a mieux à faire en portant une opposition de gauche, résolue et sur le fond, à l’idéologie et aux politiques des Marcheurs au nom des transformations de la société que nous voulons. La seule défense des acquis n’y suffit pas – cela a toujours été le cas. Le débat budgétaire en a donné la mesure avec une incapacité à faire vivre à gauche une politique alternative globale et unitaire – c’est la condition de sa crédibilité serait-elle minoritaire. D’autant que la société ne reste pas « inerte » attendant le prochain jeu. Elle bouge, façonnant l’opinion à l’idée que la gauche joue bien mal les « utilités ». C’est bien cela qu’il faut changer rapidement si nous voulons être demain en situation de disputer des parties plus décisives.

Une « obligation » politique et morale qui doit s’imposer à toutes les sensibilités d’une gauche qui sans cela risquerait de « se perdre », courants et fonds. Au moment où l’Onu confirme l’enjeu écologique comme contrainte majeure – il n’ y a jamais eu autant de pollution sur la planète. Au moment où l’instabilité américaine franchit un point haut avec l’inculpation de proches de Trump dont Paul Manafort son ancien directeur de campagne pour « complot ». Ce n’est pas encore la voie ouverte à la destitution mais l’on s’en approche. Au moment où la Catalogne et l’Espagne s’enfoncent dans une crise majeure qui, quels que soit les résultats des élections du 21 décembre, laissera une fracture ouverte à mettre au débit de «l’indépendantisme » irresponsable des uns et d’un « centralisme » autoritaire et figé des autres. Au moment où la direction de la gendarmerie alerte le Parlement sur la poudrière sécuritaire, sociale, identitaire que constituent les outre-mers, spécialement Mayotte et la Guyane. Au moment où l’effet boule de neige salutaire des prises de parole de femmes de toute condition sur le harcèlement appelle partout une avancée de la société et de la loi sous les couleurs du respect et de l’égalité… La gauche ne peut pas, ne doit plus rester en marge sans voix, sans prise sur le présent, sans ambition d’avenir, sans projet de transformation sociale multiforme et d’envergure. Si elle respire encore et nous n’en doutons pas, qu’elle le prouve, vite.      



 

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