vendredi 20 octobre 2017

Oser les clarifications

May à Bruxelles (photo © Reuters), Macron et Gattaz à l'Élysée (photo © AFP), Puigdemont à Barcelone (photo © AFP).

À Bruxelles en premier lieu où est réuni un sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union. Theresa May y est venue pour quémander un semblant d’arrangement à propos du « Brexit » qu’elle pourrait, dit-elle, « défendre devant les Britanniques ». Peine perdue, le « Brexit » se révèle de jour en jour « impraticable ». La procédure de conciliation sur les termes de la séparation est au point mort. Londres ne paiera jamais ce qu’elle doit si la rupture devait être finalement actée en mars 2019. May dit vouloir y consacrer 20 milliards de livres, serait-elle contrainte d’y mettre le double, voire un peu plus que le compte n’y serait pas. Elle fait mine de faire des concessions – « Je vous aime » par missive – en faveur des quelque trois millions d’Européens non britanniques résidant outre-Manche… Ils ont des droits, un point c’est tout. Il n’en va pas différemment à propos de la frontière irlandaise. Et l’on ne parle là que des préludes. L’économie du Royaume-Uni donne des signes certains de faiblesse qui ne peuvent que s’accentuer dans la perspective de l’isolement. Les lignes de fracture dans l’opinion ont cependant commencé à bouger. Les yeux s’ouvrent. Le temps de la clarification et du recours à un nouveau vote désormais éclairé doivent s’imposer. Bruxelles et les 27 ne peuvent qu’y inviter en y mettant les formes bien entendu.

Autre souci d’unité qui vient lui d’Espagne. Officiellement, il n’est pas question de se mêler de la crise entre Barcelone et Madrid pour ne pas affaiblir Rajoy et encourager d’autres velléités indépendantistes. C’est un mauvais calcul, une « vraie connerie ». D’abord parce que les principes démocratiques qui fondent l’Europe sont en cause quand des dirigeants catalans qui n’ont pas eu recours à la violence sont embastillés et que Rajoy se prépare à « confisquer » l’autonomie catalane. Il s’agit en effet de lignes rouges sur lesquelles transiger reviendrait à faire prendre d’énormes risques pour demain d’un bout à l’autre de l’Union. Un préalable non négociable. Il permet en outre de ne pas renoncer à une capacité d’intervention si la crise devait s’aggraver. Puigdemont et le gouvernement catalan ont sans doute perdu une part appréciable de leurs soutiens. Le retour aux urnes sans entrave de la garde civile et sous contrôle international est nécessaire. Il ne peut cependant exonérer les autres provinces de cette démarche de clarification avec l’objectif de battre Rajoy et la droite nationaliste au niveau du pays. Les gauches – PSOE, Podemos… – doivent se porter candidates à la relève du « corrompu de Madrid » en dessinant la perspective unitaire à plus d’un titre d’un processus constituant organisant une nouvelle architecture institutionnelle de l’Espagne quitte à se départager démocratiquement dans ce cadre.

Clarification toujours… à Paris où l’on s’installe dans un débat de dupes à propos du budget après celui sur les ordonnances. Après trois journées de mobilisations déclinantes contre le coup précédent du gouvernement Philippe sur l’organisation du travail, les choses sont claires, il faut passer à autre chose au risque de « démobiliser » davantage, sans résultat et avec des divisions plus grandes encore. Les salariés des petites entreprises ont vu leur situation fragilisée même si des accords de branche comme dans les transports routiers peuvent y remédier mais les projecteurs se sont déplacés vers le budget et l’Assemblée. L’application du Prélèvement forfaitaire unique (PFU) à 30 % sur les revenus mobiliers et la probable réforme de l’ISF nous rapprochent certes des normes européennes. Mais ces « réformes » équivalent à un « gros cadeau » fait à ceux qui n’en ont nul besoin et introduisent une incertitude de plusieurs milliards – de 4 à 6 au minimum – exonérés à titre fiscal dans l’espoir de les voir migrer vers l’investissement productif. Sans la moindre garantie, cela va sans dire. Le bricolage d’un dispositif « usine à gaz » pour y contraindre est un nouveau leurre. Le « symbole » est de ce fait assez insupportable d’autant qu’il s’ajoute au refus du gouvernement de faire la transparence en la matière – appel de Libé repris par une centaine de députés.

Sur le fond, une caricature assez grossière de la politique de l’offre s’applique avec un « mix » déséquilibré. Le Président est en ligne avec l’ex-ministre et l’ex-premier conseiller de Hollande. Malheureusement les oppositions de gauche n’ont pas pris la mesure de leur responsabilité alternative commune. Elle passe sur ce sujet par la refonte de l’impôt sur le revenu au travers d’une fiscalisation élargie, d’une suppression générale des « niches » et d’une progressivité plus grande en particulier du décile supérieur d’imposition – les 10 % les plus riches. À cette condition, il aurait été possible de clairement exposer les enjeux de l’égalité fiscale et de la justice sociale. Des enjeux qui pèsent quelques milliards qu’il aurait été possible d’utiliser ailleurs pour gagner a minima un ou deux points de TVA par exemple rendant « l’impôt idiot et injuste » moins coûteux. On pouvait même en escompter un effet sur les prix leur permettant de se rapprocher du rythme d’inflation visé par la BCE – un peu moins de 2 %. Surtout, cela aurait permis de « libérer » la demande autrement qu’au titre de la « conditionnelle » et de tirer l’ensemble rapidement vers des plus hauts en matière de croissance. Une illustration en positif de l’autre politique possible autrement plus clarifiante sur le sens et les failles de la politique de Macron, Philippe et de l’équipe de droite de Bercy. Le pouvoir préfère penser que ce qu’attendent les plus pauvres c’est le rétablissement de l’ordre sécuritaire. Toujours la même inversion, « cul par-dessus tête », des causes et des effets. À clarifier aussi, ici et maintenant.   

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