vendredi 29 septembre 2017

L’Europe repart ? Banco !

Macron et Merkel (photo © AFP).

Beaucoup n’y croyaient plus, qu’ils le déplorent ou s’en réjouissent. D’autres doutaient que l’Europe puisse un jour repartir, plombée par un « Brexit » qui avait, semblait-il, ouvert la boîte de pandore des replis, des ruptures, des « déconnexions » et autres sécessions. C’est le contraire qui se manifeste avec éclat comme le souligne Merkel depuis Tallinn se félicitant de la « vision » de Macron qu’elle dit « partager », quand bien même les « détails », ajoute-t-elle, devraient être revus. C’est une excellente nouvelle moins d’une semaine après des élections allemandes où la construction européenne a été mise à mal, comme elle l’avait été dans de nombreux autres États européens auparavant, tant par la poussée de l’extrême-droite – l’AfD – que par celle d’une droite libérale rongée par le nationalisme – FDP et tout un pan de la CDU/CSU. Le discours de Macron à la Sorbonne a le mérite de porter une ambition européenne dans un contexte de reprise économique généralisée et alors que les opérations de fusions, acquisitions et restructurations industrielles sont de nouveau à l’œuvre. Cette ambition est celle d’une Europe fédérale qui accélérerait son intégration politique au centre, dans la zone euro, à l’initiative de Paris et Berlin. Elle n’en fait pas pour autant et « naturellement » une Europe beaucoup plus sociale et démocratique, mais les circonstances historiques invitent la gauche à l’appuyer fortement tout en la chargeant d’un autre contenu pratique désirable.

À ce titre, ce sont bien deux « camps » qui se dessinent. Celui des Européens de conviction et celui des nationalistes de déraison. Le chœur des pleureuses n’a ainsi pas manqué de s’inquiéter des opérations de fusion de Siemens - Alstom et de Fincantieri - STX au prétexte qu’une illusoire « souveraineté nationale » n’y trouverait pas son compte. C’est pourtant une garantie que des groupes européens se dotent des moyens de faire face à armes égales sur les marchés à leurs concurrents, notamment chinois. Dans le ferroviaire comme dans le naval, cela ne souffre guère de contestation. De Philippot à Mélenchon en passant par le gros de la droite, l’argumentation de la souveraineté locale est un fantasme. Toutes ces entreprises sont bien portantes comme en témoignent leurs carnets de commandes et l’emploi ne dépend que de cela et non d’hypothétiques coups de main de tel ou tel État pour les maintenir à flot comme au temps du capitalisme du Général et de son mécano industriel. Ces gens datent, ne comprennent plus le monde tel qu’il est. Quant aux syndicalistes, ils ont la possibilité de faire valoir à plus grande échelle des exigences sociales qui passent par exemple par l’unification des critères de rémunérations ou encore par la représentation équitable des salariés dans toutes les instances de direction. Qui pourrait défendre que « c’était mieux avant » même si la situation nouvelle appelle un redéploiement de l’activité et de l’orientation revendicatives.

Cette profession de foi européenne du Président français s’articule-t-elle à une orientation budgétaire de soutien à la croissance, au progrès, à l’emploi et à la solidarité ? Le PLF 2018 est marqué du sceau de la sincérité avec une hypothèse de croissance de 1,7 % en deçà de la moyenne des prévisions des organisations coopératives qui tablent plutôt sur 1,9 %. Cela peut procurer des marges pour corriger le tir en cours d’année. Ce budget est ensuite dédié au soutien à l’économie… mais par une politique de l’offre dont on sait d’expérience que vouée à l’échec en période de basses eaux elle peut faire illusion avec la marée montante avant qu’elle ne se retire. Du côté des grands équilibres, outre l’entrée salutaire dans les « clous européens » en matière de déficit, on relèvera un manque de cohérence sur la dette qui recoupe un maillon manquant du projet pour l’Union de Macron, la mutualisation seule capable de remiser tout ou partie du fardeau en le gérant sur le long terme au profit de tous, réduisant ses effets restrictifs au moment où s’amorce la remontée des taux. Le budget 2018 et la trajectoire des finances publiques qu’il initie pour le quinquennat sont sans doute plus ajustés et porteurs de résultats que ceux des deux quinquennats précédents. Ils sont en revanche marqués par l’inégalité sociale qui n’en sera pas réduite ni en 2018 ni plus tard, au-delà des créations d’emplois probablement.

Ce ne sont pas quelques mesures en faveur des plus faibles socialement, seraient-elles en soi positives, qui font d’un PLF une politique en faveur de l’égalité. La balance entre ce qui est destiné aux
« plus riches » d’un côté et ce qui est dédié à tous les autres n’a pas grand sens car les premiers ne sont que quelques « poignées » et les autres le plus grand nombre. La réforme de l’ISF au motif de taxer la rente immobilière en favorisant l’investissement n’est guère crédible parce que les opérations financières ne sont pas ou peu taxées en pratique au niveau européen et à plus forte raison mondial. Au moment où l’impôt sur les sociétés est unifié et réduit à 25 % en France pour s’aligner sur la moyenne européenne – sans que ceux qui sont en dessous de celle-ci ne fassent le chemin en sens inverse pour l’instant – la corbeille paraît surtout prometteuse pour les plus fortunés alimentant le sentiment d’injustice dans le pays. Ce sont les caractéristiques d’une politique de l’offre là où une politique de la demande s’attacherait à améliorer le pouvoir d’achat du plus grand nombre, celui de la majorité des salariés. C’est bien à ce niveau qu’il faut porter le fer plutôt qu’à celui de quelques symboles comme les yachts et autres bijoux car, seraient-ils finalement « taxés », cela ne rapporterait pas grand-chose au budget de l’État et permettrait aux tenants de l’offre d’éviter le débat sur l’essentiel à la faveur de quelques gestes accessoires.

Ensuite, tout ou presque est discutable, dans le « détail » précisément. Le paiement de la CSG sur les retraites est ainsi une mesure de justice sociale du point de vue des solidarités entre générations, les retraités bénéficiant depuis longtemps de mesures appréciables en regard de ce qui est consacré aux jeunes. Ils sont détenteurs de la plus grosse part du patrimoine, au-delà de la résidence principale et ce dans tous les déciles de revenus. Ce qui est contestable, c’est le fait que le pouvoir d’achat de 60 % d’entre eux – c’est beaucoup – stagne. Mieux vaudrait les inciter à dépenser le montant de leur épargne car ce serait bénéfique pour tous. De même, les collectivités en général, départements et régions tout particulièrement, dont les moyens seront réduits à la marge ne peuvent à la fois demander davantage d’autonomie et refuser une « rentabilisation » souhaitable de leurs dépenses en matière de personnel comme d’investissements. S’y ajoute une opération politique de la droite classique – Rippert, Pécresse, Bertrand… – soucieuse de faire acte d’opposition à la fois contre un Premier ministre issu de ses rangs et contre la droite extrême de Wauquiez. N’a-t-elle pas gagné la majorité sénatoriale ? Faire mine de se « révolter » pour mieux pactiser demain sur la réforme constitutionnelle. Une réforme radicale de l’État, indispensable parce que gage de démocratie et d’économies, n’est pas à l’ordre du jour ni du pouvoir ni de son « opposition » de droite. À la gauche de s’en emparer pour changer durablement la donne sous le signe de l’égalité et de la démocratie.


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