vendredi 8 septembre 2017

L’Europe le peut !

Tsipras et Macron à Athènes le 7 septembre (photo © EPA). Bannière anti-austérité devant l'Acropole d'Athènes en mai 2010 (photo © Reuters). Les ravages de l'ouragan Irma à Saint-Martin (photo © AFP).

Se refonder, comme l’y invite Macron, accompagné de Tsipras, depuis la colline civique de la Pnyx sur fond d’Acropole. L’image est forte parce que la saignée austéritaire n’a jamais pu détruire le legs de l’histoire humaine et l’imaginaire culturel de l’Europe. Tout y pousse et d’abord les conditions du retour à une croissance prometteuse. L’institut européen des statistiques Eurostat l’évalue pour le second trimestre à 0,6 % pour la zone euro et à 0,7 % pour l’UE à 28. Cette année devrait se conclure selon la BCE sur un gain de l’ordre de 1,9 % à 2,2 %. Sauf que cet air plus sain qui gagne l’ensemble des économies n’efface en rien les inégalités qui hypothèquent l’avenir davantage qu’aucun autre mal. La crise et les politiques d’austérité antisociales ont creusé les différences, profitant à quelques-uns, écrasant la majorité des citoyens. Ils n’y « croiront » que si la nouvelle Union a un goût de bonheur partagé. Sinon, elle sera vouée à l’échec, serait-elle fondée d’un point de vue démocratique et culturel. Todd fait partiellement fausse route quand il pense que la fracture éducative s’est substituée à la fracture sociale. Elle la nourrit et l’aggrave au contraire. Seule une Europe des solidarités pourrait dépasser et l’une et l’autre. L’inventaire de ses déclinaisons précises est presque sans limite tant il y a à faire pour rattraper le temps perdu. De la réduction de la dette grecque et de la mutualisation au moins partielle des dettes souveraines à l’accession de plus de 500 millions d’Européens à une protection sociale de qualité au travail, en retraite, en matière de santé. De l’établissement de règles d’apurement des déficits excessifs par la mobilisation des excédents qui ne le sont pas moins parce que les premiers ont forcément nourri les seconds. Avec des priorités qui doivent sortir les populations et en particulier la jeunesse et les femmes du chômage de masse et de la précarité devenue le lot même des plus diplômés. Autant d’objectifs qui appellent un vrai processus constituant en lieu et place des forums informels de Macron et Merkel. Pour une Europe enfin démocratique dotée d’un vrai Parlement au niveau de la zone euro parce que c’est là que se joue l’intégration. À la condition de concevoir cette « fusion au cœur » comme « ouverte » aux autres membres de l’UE 28, aux candidats à l’adhésion issus du Partenariat oriental, ainsi qu’à ceux qui ont été injustement « tenus à l’écart » comme la Turquie. Par principe mais avec une double exigence réaliste. Que le niveau de culture démocratique garanti par leur Constitution le leur permette. Que l’arrimage au vaisseau amiral ne soit pas plus dangereux qu’un cabotage « indépendant » pour un temps. Une logique de rassemblement, d’échanges, d’influences croisées à l’inverse des tentations funestes de la « déconnexion », de la partition, de la sécession qui ont cours de Londres à Barcelone. Reste l’épineuse question de la souveraineté, du qui décide… la majorité évidemment mais à quel niveau ? Macron, comme Hollande avant lui, s’égare sur ce point, le premier serait-il plus « européen » que le second. Non, la souveraineté n’est pas, n’est plus d’abord « nationale » accompagnée d’un zeste de supranationalité. La hiérarchie des normes et le droit, autant que le principe de réalité commandent une souveraineté communautaire qui dépasse les contingences nationales d’antan. N’en déplaise aux tenants d’un nationalisme qui confine au leurre grossier, aujourd’hui et partout. Cela vaut pour les extrême-droites comme pour ces gauches enfermées dans leur terroir, de Mélenchon aux dirigeants de la gauche catalane en passant par la direction Corbyn des Travaillistes britanniques. C’est en leur résistant victorieusement que nous créerons les conditions pour sauver tout à la fois « la souveraineté, la démocratie et la confiance qui sont en danger », comme le dit le Président français sans en tirer la seule conclusion qui vaille. Ensemble, décidons de tout ce qui nous concerne en laissant ouverte la porte à des choix de proximité différents au nom d’une saine « subsidiarité » démocratique. Faisons-le !

Sauver le climat et relever ses territoires ultramarins dévastés par Irma, l’ouragan bien mal nommé, en attendant José et Katia. L’urgence pour réduire l’ampleur de ces catastrophes « naturelles » à répétition passe par la limitation impérative à moins de deux degrés du réchauffement climatique. Comme souvent l’urgence suscite l’opposition de la réaction et la mobilisation innovante des « progressismes ». Le sommet de fin d’année, convoqué symboliquement à Paris prend dans ce contexte des allures de « dernière chance » pour conjurer l’impensable. Il importe donc qu’il se charge d’une dimension pratique et décisionnelle que portent les cités les plus avancées en la matière dont Paris. L’Union doit l’aborder avec un nouveau « paquet climat » qui ne laisse aucun de ses membres sur les bords du chemin à la faveur d’une juste répartition des coûts du rattrapage. La preuve par l’exemple en quelque sorte d’autant qu’elle est porteuse au plan économique. Elle n’a de ce fait plus rien « d’utopique ». Les grands émergents, les Brics – Brésil, Russie, Chine, Inde, Afrique du Sud – comme l’Amérique de Trump peuvent freiner des quatre fers au nom de leur intérêt économique mal compris mais si le créneau écologique promet un retour sur investissement conséquent permettant de paraître réconcilier conscience et profit, alors ils s’y engageront eux aussi. Telle est la carte maîtresse que l’Union peut abattre et qu’elle est seule à détenir – en tout cas à ce niveau – autour de la table. Cela passe aussi par une reconstruction exemplaire dans les territoires victimes des routes cycloniques. Ceux qui sont « eurocaribéens » par l’histoire, aurait-elle été chahutée sous ces latitudes, et les autres qui n’ont pas eu cette « chance ». Encore faut-il que les fortes paroles soient suivies d’effets en termes de fonds mais aussi de pratiques conformes aux enjeux qui excluent les mauvaises habitudes telles que le coulage, le non-respect des normes et le refus de certains d’y contribuer en fonction de leurs moyens. La création d’une collectivité des îles du nord avait bien des arrière-pensées sonnantes et trébuchantes à l’époque. Aujourd’hui une coordination de tous pour tous s’impose au-delà du caractère binational de Saint-Martin d’autant qu’il faut en même temps réparer et prévenir là où les éléments déchaînés ont frappé mais aussi là où des événements comparables auraient des conséquences plus dramatiques encore. C’est vrai par exemple de Fort-de-France et de son urbanisme chaotique. Tous concernés par un biais ou un autre – exposition aux ouragans comme risques sismiques – tous doivent faire l’objet d’une mobilisation solidaire exemplaire de Bruxelles où la nomination d’un commissaire à la reconstruction des territoires ultramarins de la Caraïbe doit être envisagée. La solidarité et les coopérations sont au nombre des acquis dans l’arc antillais et une conférence internationale des donateurs serait une excellente chose car la reconstruction – le malheureux exemple de Haïti le prouve – ne concerne pas seulement l’habitat et les infrastructures de circulation. Le commerce et les ports dont certains en eau profonde par exemple doivent être intégrés au plan dès le début si l’on veut pourvoir non seulement à la survie mais aussi à un développement indispensable pour insérer la région dans les grands courants porteurs d’échanges. Ce sont des ambitions et des mesures de ce genre qui feront renaître la confiance et l’espoir en un monde meilleur parce que plus juste et plus protecteur. L’Union n’a ni le droit, ni un quelconque intérêt à s’y dérober. 



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