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La
situation du monde agricole n’est guère enviable. Un salon de
l’agriculture plus tard, comme toujours, on se rendra compte à quel
point l’écran de fumée des postures « présidentiables » étaient vaines
parce que dans le déni.
Le
déni de la vérité en effet quand on prétend flatter les agriculteurs et
au-delà le monde rural sans regarder la vérité en face. Moins de 3 % de
la population active française – 2,7 % précisément – travaillent
désormais dans ce secteur important pour tous. Un secteur malade de
nombreux maux et qu’il ne faut pas conforter dans ses impasses.
Impasse
d’une Politique agricole commune (PAC) forcément vouée à une refonte
radicale. Comment justifier qu’elle puisse être encore le premier poste
budgétaire de l‘Union européenne même si sa part relative a baissé ?
Comment justifier que les agriculteurs français en restent les premiers
bénéficiaires au regard des besoins agricoles d’autres États membres
moins développés ?
Cette
politique outrancière de subventions qui entretient une agriculture
productiviste - en Europe comme aux États-unis - est nocive pour le
développement humain à l’échelle de la planète. Elle nuit au
développement d’agricultures de subsistance dans les pays les moins
développés et pousse les émergents à imiter un modèle socialement et
écologiquement condamnable.
C’est,
certes, le fruit d’une histoire, celle de la construction européenne
avec ses aléas, ses rapports de force et ses inégalités. Il n’en demeure
pas moins vrai que demain, il faudra « faire » sans la béquille
européenne de subventions qui sont d’autant plus discutables qu’elles
sont réparties de manière très inégalitaire au profit des plus gros
propriétaires exploitants ou non. Une politique sociale passe par le
soutien du revenu de l’agriculteur, pas par des subventions à la
production.
C’est
là aussi le fruit d’un paysage politique rural où la première des
organisations professionnelles, la FNSEA, a toujours été et demeure la
courroie de transmission du parti de droite dominant, hier le RPR,
aujourd’hui l’UMP. Cette relation est ancrée dans l’organisation
économique elle-même du secteur et la gauche en fera les frais – 20 %
d’intention de votes Hollande, Mélenchon et Joly réunis ! – aussi
longtemps qu’elle se refusera à le dire haut et fort.
Seconde
vérité nécessaire à dire au monde agricole, l’organisation du secteur
le rend de plus en plus dépendant des multinationales de
l’agroalimentaire. La condamnation récente de Monsanto par la justice,
réjouissante en soi, n’est pas de nature à y changer grand chose. Le
problème est en effet par trop important pour que l’État ne s’en empare
pas enfin et sérieusement.
Le
monde agricole produit mais ne distribue pas ou si peu. Les mastodontes
de la grande distribution sont dans la position du renard au sein du
poulailler, libres de « se gaver » à volonté sans risque d’être
inquiétés. Par le jeu de marges arrière, de l’avant ou du milieu, les
géants de la grande distribution font la pluie et le beau temps au
détriment des producteurs agricoles comme des consommateurs.
Un
strict contrôle des prix par la puissance publique s’impose tout autant
pour juguler l’inflation des prix alimentaires que pour s’assurer une
plus juste répartition des marges entre producteurs et distributeurs. La
simple transparence par un étiquetage portant la mention du prix à la
production serait déjà de nature à contrer le scandale. Elle
favoriserait en outre les circuits courts moins onéreux.
Les
circuits courts offrent en outre de plus grandes garanties en matière
de traçabilité et donc de contrôle, y compris sanitaire. Ils sont plus
conformes aux impératifs écologiques. Ils sont le meilleur moyen que
l’on connaisse de combattre les dérégulations consistant à produire
n’importe quoi n’importe où. Et là encore, la puissance publique, au
plan local, régional, a les moyens d’agir si elle en a la volonté.
Quelques trop rares expériences le soulignent.
Il
n’en va pas différemment du paysage du monde rural qui fait de la
France une exception par rapport à tous ses voisins. Le laisser-faire en
ce qui concerne l’occupation des sols est le plus sûr moyen de saper
l’organisation des services publics dans les zones rurales comme dans
les zones périurbaines. L’aménagement des territoires commande une autre
politique, de développement de petites villes plutôt que de « no man’s
lands » pavillonnaires.
Évidemment,
une telle logique de vérité tournée vers l’avenir peut être moins
« payante » électoralement que la démagogie honteuse servie au monde
agricole autour des prétendues « valeurs » atemporelles de la ruralité.
Les racines paysannes de la France et de l’Europe d’aujourd’hui
appartiennent au passé, pas au présent et encore moins au futur.
Le
dire, le répéter, en convaincre, pour faire de la politique autrement
en direction des habitants des zones rurales. Se refuser à les
considérer comme des « demeurés » pour mieux les insérer dans l’ensemble
des citoyens. Manière d’être fidèle à nos convictions et à une vision
du changement qui ne laissera personne sur le bord de la route,
serait-elle une charmante route de campagne.
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