lundi 27 février 2012

Une autre "vision" du monde agricole et de ses faux amis

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La situation du monde agricole n’est guère enviable. Un salon de l’agriculture plus tard, comme toujours, on se rendra compte à quel point l’écran de fumée des postures « présidentiables » étaient vaines parce que dans le déni.

Le déni de la vérité en effet quand on prétend flatter les agriculteurs et au-delà le monde rural sans regarder la vérité en face. Moins de 3 % de la population active française – 2,7 % précisément – travaillent désormais dans ce secteur important pour tous. Un secteur malade de nombreux maux et qu’il ne faut pas conforter dans ses impasses.

Impasse d’une Politique agricole commune (PAC) forcément vouée à une refonte radicale. Comment justifier qu’elle puisse être encore le premier poste budgétaire de l‘Union européenne même si sa part relative a baissé ? Comment justifier que les agriculteurs français en restent les premiers bénéficiaires au regard des besoins agricoles d’autres États membres moins développés ?

Cette politique outrancière de subventions qui entretient une agriculture productiviste - en Europe comme aux États-unis - est nocive pour le développement humain à l’échelle de la planète. Elle nuit au développement d’agricultures de subsistance dans les pays les moins développés et pousse les émergents à imiter un modèle socialement et écologiquement condamnable.

C’est, certes, le fruit d’une histoire, celle de la construction européenne avec ses aléas, ses rapports de force et ses inégalités. Il n’en demeure pas moins vrai que demain, il faudra « faire » sans la béquille européenne de subventions qui sont d’autant plus discutables qu’elles sont réparties de manière très inégalitaire au profit des plus gros propriétaires exploitants ou non. Une politique sociale passe par le soutien du revenu de l’agriculteur, pas par des subventions à la production.

C’est là aussi le fruit d’un paysage politique rural où la première des organisations professionnelles, la FNSEA, a toujours été et demeure la courroie de transmission du parti de droite dominant, hier le RPR, aujourd’hui l’UMP. Cette relation est ancrée dans l’organisation économique elle-même du secteur et la gauche en fera les frais – 20 % d’intention de votes Hollande, Mélenchon et Joly réunis ! – aussi longtemps qu’elle se refusera à le dire haut et fort.

Seconde vérité nécessaire à dire au monde agricole, l’organisation du secteur le rend de plus en plus dépendant des multinationales de l’agroalimentaire. La condamnation récente de Monsanto par la justice, réjouissante en soi, n’est pas de nature à y changer grand chose. Le problème est en effet par trop important pour que l’État ne s’en empare pas enfin et sérieusement.

Le monde agricole produit mais ne distribue pas ou si peu. Les mastodontes de la grande distribution sont dans la position du renard au sein du poulailler, libres de « se gaver » à volonté sans risque d’être inquiétés. Par le jeu de marges arrière, de l’avant ou du milieu, les géants de la grande distribution font la pluie et le beau temps au détriment des producteurs agricoles comme des consommateurs.

Un strict contrôle des prix par la puissance publique s’impose tout autant pour juguler l’inflation des prix alimentaires que pour s’assurer une plus juste répartition des marges entre producteurs et distributeurs. La simple transparence par un étiquetage portant la mention du prix à la production serait déjà de nature à contrer le scandale. Elle favoriserait en outre les circuits courts moins onéreux.

Les circuits courts offrent en outre de plus grandes garanties en matière de traçabilité et donc de contrôle, y compris sanitaire. Ils sont plus conformes aux impératifs écologiques. Ils sont le meilleur moyen que l’on connaisse de combattre les dérégulations consistant à produire n’importe quoi n’importe où. Et là encore, la puissance publique, au plan local, régional, a les moyens d’agir si elle en a la volonté. Quelques trop rares expériences le soulignent.

Il n’en va pas différemment du paysage du monde rural qui fait de la France une exception par rapport à tous ses voisins. Le laisser-faire en ce qui concerne l’occupation des sols est le plus sûr moyen de saper l’organisation des services publics dans les zones rurales comme dans les zones périurbaines. L’aménagement des territoires commande une autre politique, de développement de petites villes plutôt que de « no man’s lands » pavillonnaires.

Évidemment, une telle logique de vérité tournée vers l’avenir peut être moins « payante » électoralement que la démagogie honteuse servie au monde agricole autour des prétendues « valeurs » atemporelles de la ruralité. Les racines paysannes de la France et de l’Europe d’aujourd’hui appartiennent au passé, pas au présent et encore moins au futur.

Le dire, le répéter, en convaincre, pour faire de la politique autrement en direction des habitants des zones rurales. Se refuser à les considérer comme des « demeurés » pour mieux les insérer dans l’ensemble des citoyens. Manière d’être fidèle à nos convictions et à une vision du changement qui ne laissera personne sur le bord de la route, serait-elle une charmante route de campagne.

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