vendredi 13 octobre 2017

Faire reculer « l’injustice », partout et toujours


Il ne suffit pas que la croissance soit de retour, que le volume des échanges mondiaux augmente, que le problème de la dette trouve demain peut-être une solution équitable pour que le monde, irait-il « mieux », aille enfin bien. Les injustices sont telles que le combat pour l’émancipation humaine n’en est que plus nécessaire, ici comme ailleurs, les modalités pratiques varieraient-elles d’un thème à l’autre, d’une région de la planète à une autre. Il en va ainsi du scandale qui éclabousse Hollywood et le monde du cinéma ainsi que le parti démocrate aux Etat-Unis. Harvey Weinstein, producteur adulé et incontournable parce que puissant, surnommé « le porc » semble-t-il par le gratin des habitués de la Croisette, accusé de multiples agressions sexuelles dont quatre viols régnait en « maître » dans l’industrie cinématographique, sans que tous ceux qui « savaient » ne puissent, n’osent ou n’aient le courage de « réagir ». Le parti Démocrate et ses figures emblématiques, les Clinton comme les Obama, ne pouvaient pas de pas avoir eu vent des rumeurs sulfureuses à propos de l’un de leurs principaux « donateurs ». Dans le pays où un Trump a pu être porté à la Présidence, tout est lié en effet et le silence face à l’un se retourne en faveur d’un autre.  En France, des initiatives parlementaires visent à corriger l’absence d’un âge minimum pour un présumé consentement sexuel qui permet qu’un homme de 28 ans ne soit pas jugé pour viol après une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans. Plusieurs États européens y ont eu recours depuis longtemps. Dans le même temps, les Inrocks sombrent pour leur « une » et l’interview qui l’accompagne du « meurtrier » d’une femme, aurait-il purgé sa peine. Qu’il chante contre le « Brexit » n’excuse rien. Autant de signes qu’il est des questions de la vie quotidienne qui ne relèvent pas mécaniquement du « capitalisme prédateur » et manifestent une injustice multiséculaire qu’il s’agit de faire reculer en toutes circonstances.

Le retrait de Washington et dans la foulée celui de Tel-Aviv de l’Unesco manifestent une autre forme d’injustice, diplomatique et pécuniaire celle-là. La culture, la science et l’éducation dont l’organisation onusienne - 58 États membres de plein droit - a la charge ne peut se passer de la présence en son sein des Etats-Unis, ni même de celle d’Israël. Le « modèle » onusien qui permet de siéger comme membre permanent au Conseil de sécurité sans en assumer les responsabilités diplomatiques et financières dans toutes leurs implications est injuste. Les arriérés de la contribution américaine handicapent lourdement l’action sur le terrain - elle représente chaque année environ 20 % du budget. Le précédent du retrait sous Reagan en 1984 sur lequel Bush était revenu a créé une forme d’accoutumance au va-et-vient en fonction d’intérêts nationaux qui vident de leur portée les obligations d’un engagement dans un cadre « multilatéral ». Trump s’en est fait une spécialité présentée comme une - petite - vertu. Sa remise en cause de l’Alena et ses coups de canifs successifs contre ses voisins, canadien et mexicain, le confirme. Son attitude sur l’Accord de Paris ou sur celui sur le nucléaire iranien tout autant. De quoi accélérer la perspective de sa destitution.  Il n’en reste pas moins vrai que l’Unesco comme la Commission des droits de l’Homme et nombre d’autres instances onusiennes, n’est pas exempte de critiques fondées sur son fonctionnement bureaucratique, le « gâchis » budgétaire qui le caractérise et sa propension à céder au lobbying des monarchies pétrolières du Golfe dont le Qatar pour l’Unesco et l’Arable saoudite pour la Commission des droits de l’Homme. L'Unesco vient cependant d'élire Audrey Azoulay, femme de gauche, ex. ministre de la Culture de Hollande, à sa direction générale par 30 voix contre 28. Une défaite pour le Qatar qui espérait y voir son candidat largement investi. L'issue sans doute la "meilleure" à la succession de la directrice sortante, Irina Bokova. De quoi espérer rétablir l'organisation dans ses prérogatives de protection du patrimoine mondial de l'humanité.

Injustice toujours avec le nombre de décès prématurés liés à la pollution atmosphérique mis en évidence dans le rapport 2017 de l’Agence européenne de l’environnement (AEE). 520 400 disparitions en Europe dont 487 600 dans l’Union en 2014. Outre l’aspect humain, le« coût » économique est préjudiciable à l’intérêt général. Des pays comme la Pologne - 48 690 décès prématurés -, l’Allemagne - 81 660 - la France - 45 840 - sont aux premières loges de cette hécatombe. Elle est le produit du laisser-faire en matière de pollution imputable aux transports en général et en particulier à la voiture en ville. Les particules fines diminuent - moteurs et filtres plus performants - mais les concentrations en dioxyde d’azote et l’ozone troposhérique augmentent. La population urbaine exposée à ces polluants représenterait 7 % de l’ensemble selon les normes européennes réputées laxistes… mais 82 % selon les critères de référence de l’OMS. C’est pourquoi les décisions de Anne Hidalgo et du Conseil de Paris doivent être saluées et soutenues contre les lobbies et la complaisance d’autres élus qui ne font rien ou presque rien pour limiter le fléau. La perspective d’une interdiction des voitures non électriques en 2030 dans la capitale est absolument justifiée. Elle doit s’accompagner d’une politique plus ferme - révision des normes,  sanction des pollueurs - et plus incitative - équipement, primes - de l’État dans les 22 métropoles sur l’ensemble du territoire avec un relais, une projection au plan européen où les avancées de plusieurs régions donnent la mesure de ce qui est possible. Pour peu évidemment que les lobbies de l’automobile soient contraints ce qui est plus aisément « praticable » à cette échelle qu’à celle des entités nationales. Le ministère correspondant du gouvernement Philippe ne semble pas en phase avec cette exigence qui vise à éviter des pertes humaines et dont la « rentabilité » économique en matière de santé publique et de développement urbain n’est guère contestable. Qu’attend Nicolas Hulot pour porter une politique plus « juste » en la matière ?

Injustice dans le domaine social, la plus criante de toutes. Le gouvernement a soigné avec les ordonnances les petits patrons et autres artisans commerçants. Son projet de loi de Finances 2018 est frappé d’un net déséquilibre au nom du soutien à l’économie par « l’offre » qui avait déjà emporté le quinquennat précédent. Philippe et Macron prétendent désormais corriger ses effets par une dimension plus « protectrice » à l’endroit de la masse des salariés. Ils ne revendiquent que plus de « justice » après des années difficiles. Cela vaut pour le budget comme pour les réformes de l’assurance-chômage et de la formation professionnelle. L’élargissement de la protection sociale à tous, y compris aux démissionnaires, est justifié mais il doit être cadré par la perspective d’une marche vers le plein emploi. L’équilibre des comptes nécessite que le recours aux contrats de travail courts, voire très courts qui génère le déficit de l’UNEDIC soit strictement encadré. Le Medef ne veut pas en entendre parler. On doit le lui imposer. L’intérêt général commande aussi que l’Etat mette son nez dans le secteur réservé de la formation professionnelle que l’on sait souvent inefficace, coûteuse et très peu transparente. Avec un bel ensemble, syndicats et organisations patronales sur la défensive affichent leurs réticences comme s’ils avaient beaucoup à y perdre. En matière de financements indus, sans doute. On invoque ainsi le « paritarisme » en tête-à-tête comme une garantie « démocratique » comme si la formation au-delà de l’école ne concernait pas l’ensemble de la société. D’autant plus discutable que la coupure entre les différents types de formation n’est pas souhaitable. Il faut donc qu’un grand débat public s’ouvre avec des projets précis portés à la connaissance de tous, dans le cadre d’une concertation réelle et non dans celui de petits arrangements bilatéraux et pernicieux entre le gouvernement et chaque organisation syndicale comme ce fut le cas pour les ordonnances. À ces conditions, l’injustice pourrait reculer. Sinon, elle ne sera qu’ « habillée »  au goût du jour pour mieux perdurer.

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