mardi 19 septembre 2017

Statu quo ou conquête

Illustration © Getty Images.

Sans surprise ! La trajectoire des finances publiques se révèle meilleure que prévue. Et encore, nous ne sommes qu’en septembre et les courants porteurs ne donnent aucun signe de fléchissement… Résultat provisoire, la croissance du Pib est désormais attendue pour cette année à 1,7 % contre 1,5 % il y a trois mois. Le déficit se réduit mécaniquement à 2,9 % contre 3 % précédemment et poursuivrait sur sa lancée à 2,6 % en 2018. Du coup, « ça passe » et Paris rentre dans les clous européens, ce qui n’est pas rien. Même les économies « nécessaires » sont revues à la baisse, de l’ordre de 20 %, avec un objectif désormais de 16 milliards alors qu’il était encore de 20 milliards début juillet. Le sujet n’est donc plus de savoir si l’on assiste à un vrai retour à la croissance ou non, mais plutôt comment l’accompagner utilement en l’amplifiant. Cela autorise « objectivement » une profonde politique de « transformation sociale » comme le pays n’en a pas connu depuis longtemps.

C’est vrai de l’économie avec un double objectif de réduction du chômage et de modernisation de l’appareil productif au sens large – taille et gestion des entreprises, gammes de production, exportation. Le gouvernement fait fausse route en multipliant les concessions aux secteurs les plus « arriérés » du petit patronat. L’exemple des transports le confirme déjà. La qualité de ce qui est produit et la manière dont s’organise le travail sont les clés du succès. L’on peut ainsi entendre l’argument sur les contrats aidés qui ne sont pas de « vrais » emplois… à la condition que ceux qui sont appelés à les remplacer soient mieux rémunérés et moins précaires. Les ordonnances n’y engagent pas un public de petits entrepreneurs « choyés » sans que rien ne leur soit jamais demandé. Les organisations coopératives internationales s’en émeuvent à demi-mot. Une faute du point de vue de la justice sociale mais aussi dans une logique de soutien plus efficace à l’économie. Une marque de la « pensée Macron », aujourd’hui comme hier, plombée par un libéralisme idéologique.

À l’autre extrémité de l’échiquier économique, le gouvernement Philippe se montre incapable de susciter un important mouvement d’investissements privés en phase avec les « bonnes nouvelles ». Le rôle de l’État se devrait pourtant d’être proactif. La réforme de l’impôt sur les sociétés ne sera véritablement « rentable » que si une assiette d’imposition et un taux communs aux Européens sont mis à l’ordre du jour dans le même temps. Taxer les géants d’internet selon leur chiffre d’affaires régional serait une bonne chose mais très en deçà d’une mesure générale pour l’ensemble du marché. Sur ce plan, le gouvernement Philippe se montre frileux. Sans doute pour ne pas trop bousculer les partenaires et les vieilles habitudes des tout petits pas alors que l’audace s’impose. Sans compter l’héritage des dettes souveraines que tout invite à « mutualiser » rapidement – au moins au-delà de 60 % du Pib national – pour redonner des marges d’action à tous.

Même logique « petit bras » du côté de la transition énergétique. Hulot ne se porte pas à l’avant du peloton. Il avance à un train de sénateur en proposant des mesures qui sont « bienvenues », mais sans rapport avec les enjeux. Les Chinois disent, même s’il ne s’agit que d’une déclaration d’intention, vouloir « électrifier » l’ensemble de leur parc automobile d’ici 2040. Cela fait sens tandis que les Européens sont à la traîne de leurs constructeurs, pourtant responsables par tricherie de quelque 5 000 morts prématurées supplémentaires par an dans l’Union. Les États-Unis les ont lourdement sanctionnés, pas l’Europe. Et Gérard Collomb vient encore de s’en prendre à la Maire de Paris, Anne Hidalgo, parce qu’elle irait trop vite, trop loin, par souci de la qualité de l’air. Une menace, prétend-il, pour la « sécurité » en cas d’attentat, notamment rue de Rivoli, comme si la congestion due aux bouchons valait mieux qu’une double piste cyclable à contresens. Ridicule !

Le gouvernement Philippe s’est acquitté à peu près honorablement des travaux de « moralisation » de la vie politique mais patine sur les questions économiques, s’attribuerait-il des résultats « objectifs » qui ne lui doivent pas grand-chose. Valls et Hollande n’en sont pas davantage responsables. C’est si vrai que même avec le « Brexit » dans les valises, la Grande-Bretagne décline doucement au lieu de le faire brutalement. Il faut réformer rapidement et tous azimuts parce que la situation l’exige. Quand bien même elle serait durablement bien orientée dans le cadre d’une onde longue expansive, ceux qui en tireront profit sont précisément ceux qui innoveront sans s’abandonner au courant, par conservatisme. Cela concerne au premier chef l’autorité publique, le pouvoir, mais pas seulement. Les organisations sociales devraient être à l’offensive non dans un remake daté et défensif face au gouvernement. Non pour défendre quelques niches catégorielles mais pour imposer un nouveau modèle social.

Du droit à une formation initiale – généraliste jusqu’à 18 ans – et ensuite tout au long des parcours professionnels à une protection sociale de qualité qui ne laisseraient plus personne sur le bord du chemin. On entend bien le cri rauque des profiteurs du système, des bailleurs sociaux aux mutuelles, mais guère les voix censées défendre l’intérêt général, celui du plus grand nombre. Dangereux parce que les premiers y trouvent leur compte tandis que tous les autres en font les frais, salariés du privé comme du public, leurs enfants et leurs ascendants. Il est temps d’établir l’ordre du jour offensif que commande la situation. Pour exiger entre autres le renforcement du régime général de sécurité sociale afin de rembourser intégralement les frais de santé. Pour « sauver » l’école publique et laïque comme le socle égalitaire de tout et pour tous. Pour garantir un revenu décent à chacun et chacune qu’ils soient en activité, empêchés de travailler ou en retraite. La défense illusoire d’acquis catégoriels n’y répond pas. Elle en éloigne. À plus forte raison le « dégagisme » démagogique qui se greffe sur elle. 


 

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