vendredi 7 juillet 2017

L’Europe et la dépense publique au cœur du dispositif de « résistance »

Shinzo Abe, Donald Tusk et Jean-Claude Juncker (photo © AFP).

Son annonce a fait moins de bruit que le tir d’un missile intercontinental nord-coréen et pourtant il bouscule les rapports de force internationaux. L’accord conclu entre l’UE et la Japon est d’abord une excellente nouvelle pour le commerce mondial. Il aura fallu quatre longues années pour parvenir à accorder les exigences des deux parties, mais ce sont environ deux tiers des échanges planétaires qui sont ainsi « sécurisés ». Une victoire pour Bruxelles et Tokyo, un coup dur pour les États-Unis de Trump. À la veille d’un G20 à Hambourg où la question du libre-échange est au menu, il s’agit d’une claque retentissante pour Trump qui s’y présente comme « l’éclopé » du circuit. Tokyo a davantage concédé que Bruxelles dans la dernière ligne droite craignant pour son économie exportatrice tandis que Bruxelles s’en sort haut la main sur le front de l’agroalimentaire en particulier et qu’elle ne redoute pas vraiment l’automobile tant les croisements à l’image de ceux de Nissan et Renault sont déjà une réalité industrielle et financière, le précédent avec la Corée du sud étant plutôt rassurant. Un succès qui « déstabilise » Trump et met l’UE au cœur du dispositif de « résistance » international à la poussée isolationniste américaine. Sur fond de croissance consolidée, l’accord confirme à sa manière la sortie de crise après des années de « vaches maigres » depuis 2008-2009 et suivantes.

Le plan Hulot participe d’une logique convergente. L’engagement d’une sortie du nucléaire du mix énergétique à hauteur de 50 % d’ici 2025, s’il devait être tenu, entraînerait la fermeture et le démantèlement de plusieurs réacteurs à court terme. La perspective d’un arrêt de la production de véhicule à essence et diesel à l’horizon 2040 est plus « ambiguë » parce que pour être efficace en ce domaine encore faudrait-il que l’ensemble de l’Union se mette au diapason pour ce qui concerne le transport de marchandises sur ses routes et que cela est « inconcevable » sans une aide massive en direction des États membres les moins bien dotés pour aborder pareil bouleversement. Reste là encore la petite musique qu’autorisent la sortie de crise et la concrétisation des créneaux porteurs d’un capitalisme « vert » comme jamais à la fête. C’est vrai de l’automobile comme du logement où Hulot dessine une offensive d’ampleur contre les « passoires énergétiques » tandis que Bercy entend s’attaquer en parallèle aux aides sociales correspondantes jugées « inefficaces ». Distribuées à plus de 6 millions de ménages – 6 300 000 exactement – elles n’ont certes pas contribué à « éradiquer » le mal-logement, mais leur suppression partielle par resserrement des conditions d’accès et leur réorientation vers les besoins les plus urgents ne peuvent être envisagées sans un plan social d’ensemble en faveur du pouvoir d’achat des ménages contraint par les années de crise.

Sur ce plan, les annonces gouvernementales sont inquiétantes car le chœur des pleureuses ne suggère rien de bien convaincant au-delà du constat, hésitant même à s’y engager plus avant. La Cour des comptes, le Conseil d’analyse économique (CAE) et la Banque de France tombent d’accord pour condamner la gestion à la petite semaine de la dépense – haro sur Hollande et quelques autres. La France, dénoncent-ils avec un bel ensemble, se situe encore dix points au-dessus de la moyenne de l’OCDE sans que les résultats ne soient à la hauteur. Fort probablement. La politique des « coups de rabot » successifs n’y a rien changé et a même eu des effets négatifs. Sans aucun doute. Mais cela ne constitue nullement une « stratégie » mais plutôt un souhait sans contenu précis de « rationalisation » et de « coupes claires » là où la dépense publique est singulièrement inefficace et particulièrement coûteuse. Les niches fiscales en offrent un florilège. Les aides sociales au logement sont souvent citées mais jamais le soutien extravagant aux entreprises sans contrepartie concédé dans le précédent quinquennat avec Macron à la manœuvre. C’est pourtant d’abord à ce niveau que s’impose la revue de détail surtout si l’on veut faire de la dépense publique un levier de transformation du tissu économique. Les libéraux n’en veulent point et rien n’indique une volonté gouvernementale de vouloir s’y attaquer. Philippe se condamne donc à de nouveaux coups de rabot dans l’urgence budgétaire pour entrer dans les clous européens.

Une logique contre-productive que souligne le rétablissement dès l’an prochain du jour de carence dans les trois fonctions publiques. De quoi éclipser l’annonce positive en matière de santé de l’obligation de vaccination pour les enfants et les jeunes permettant d’éviter de gros problèmes de santé publique. La santé appelle comme d’autres secteurs un investissement significatif susceptible de faire franchir un seuil décisif. Pour ce qui concerne la vaccination, obtenir une couverture de 95 % contre 75 % actuellement pour un montant presque « dérisoire » de 20 millions d’euros totalement pris en charge par l’État. Il n’en va pas différemment pour la formation initiale et continue tout au long de la vie à la condition d’en modifier radicalement la gestion et le contrôle. On pourrait multiplier les exemples de ce mix souhaitable fait d’une rentabilisation de la dépense accompagnée de puissants investissements publics – seraient-ils articulés dans une combinaison « intelligente » avec ceux du privé – pour changer la société. La politique des transports le confirme également. Sauf que le gouvernement Philippe n’en prend pas le chemin. Il hérite d’un bilan calamiteux et la référence à l’orientation libérale de son pôle économique et financier n’incite guère à l’optimisme. Toute chose que confirmera le débat budgétaire en préparation.

C’est à ce niveau que le défi pour l’opposition de gauche au gouvernement se situe. Non dans quelques vieilles recettes obsolètes mais dans la défense d’une logique de transformation sociale à la faveur de réformes de structures conçues, mises en œuvre et évaluées dans le temps en rapport avec l’objectif final. La politique d’accueil et d’intégration des migrants elle-même n’obéit pas à d’autres critères. L’interpellation du gouvernement par la maire de Paris, Anne Hidalgo en ouvre la possibilité. La France doit rattraper son retard sans tarder et « bénéficier » elle aussi de cet apport venu des territoires de misère comme l’ont fait avant elle la Suède ou l’Allemagne. Accessoirement, ce sera un moyen supplémentaire de faire reculer les fascistes du FN et associés déjà mis à mal par l’Europe. Mais de manière plus essentielle, il s’agit de ne pas considérer la « période » Macron, après la défaite, comme une parenthèse en attendant des jours meilleurs, mais bien plutôt comme une obligation de tourner la page pour se ressourcer et se reconstruire avec une orientation conquérante au profit du « progrès social » qui fera vite le tri et la part des choses entre orientation de gauche et confusion centriste.  


 

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